Ecole Maternelle : apprentissage en EPS et rapport à la culture

Notre objectif est de mettre en évidence ce qui se joue pour les élèves à l’école maternelle pour comprendre comment celle-ci participe (si tôt) des processus de différenciation sociale à l’école …


Je ne parle pas aujourd’hui en tant que chercheur spécialiste de la maternelle, mais parce que, depuis trois ans, dans le cadre de notre équipe ESCOL, nous travaillons à comprendre comment se construisent, dès la maternelle, des rapports différenciés à l’école, aux apprentissages, aux savoirs chez les élèves.

Notre objectif est de mettre en évidence ce qui se joue pour les élèves à l’école maternelle pour comprendre comme elle participe elle aussi, et, pourrait-on dire si tôt, des processus de différenciation sociale à l’école.

L’étude de l’école maternelle, même centrée sur les élèves, ne peut se travailler qu’en analysant ce que les enseignants mettent en place comme cadre aux activités des élèves, ce qui conduit à une autre question : qu’est-ce qui est aujourd’hui discours dominant sur l’école et qui participe peut-être de la construction d’une certaine difficulté des élèves à identifier les enjeux de l’école, en particulier dans le domaine des activités d’apprentissage ?

L’école, dans sa spécificité historique a été le lieu où se construit pour l’élève sa participation à une référence culturelle collective (culture langagière, comportementale, concernant les objets d’apprentissage). Or, aujourd’hui, l’école est très ambiguë sur les rapports qu’elle construit chez les élèves entre l’intérêt porté à chacun dans sa singularité et la construction des références collectives.

Enseignants, et ce faisant, élèves, ne savent pas très bien si l’école est là plutôt pour aider chacun à être mieux dans sa singularité ou pour permettre à chacun de se construire en référence au collectif, si les deux aspects ne doivent pas s’opposer dans le développement de l’enfant, certaines pratiques peuvent favoriser un des deux aspects ou gêner leur mise en relation étroite. Le discours sur la diversité, que l’on ne peut stigmatiser quand il permet la reconnaissance de l’autre, est peu « éducatif » s’il réduit le sujet à faire valoir, voire à revendiquer sa différence, ce que l’on voit maintenant au collège et au lycée.

Il me semble que la maternelle est dans une situation très difficile par rapport à cette question. On y est peut-être plus qu’ailleurs sensible à l’idée qu’il faut que les individus s’y développent en tant que tels, avec une tendance à conduire l’activité de chacun dans des interactions interindividuelles entre l’enseignant et l’élève ; même lorsque le cadre du déroulement est collectif ou en atelier, il s’agit souvent davantage d’une organisation de la classe et du temps de chacun que d’un travail d’apprentissage explicitement collectif, régulé collectivement.
L’enjeu de la maternelle et de la scolarité est de permettre à l’enfant de comprendre qu’il existe des normes inhérentes à l’activité elle-même, qui constituent sa spécificité et les conditions de son effectuation ; je suppose qu’on peut trouver de très nombreux exemples dans les activités physiques, où celles-ci ne sont telles qu’à certaines conditions d’effectuation qui leur donnent leur sens scolaire et général.

Je ne parle pas ici de simple socialisation collective mais de la nécessité de ne pas référer son travail qu’à sa propre activité, à ses envies et plaisir de faire, mais à quelque chose qui dépasse chacun et qui est le critère d’évaluation de l’activité et de l’apprentissage.

On peut, par exemple, évoquer la notion de règle pas seulement pour la question de la socialisation et de la vie collective, mais pour aider l’élève comprendre que ce n’est pas l’individu lui-même qui décide de la validité ou de la qualité de son geste.

Cette entrée dans la maternelle est pour les élèves, le plus souvent, la première confrontation qui peut être consciente à un au-delà d’eux-mêmes (l’acquisition de la langue en fait partie mais cette dimension échappe à la conscience de l’enfant). Si dans le milieu familial, l’enfant peut être considéré pour lui-même, à l’école, on peut le confronter à un « au-delà de lui » élaboré dans l’histoire de la culture.

La culture existe avant le sujet, pas sans

Ce texte est issu d’un entretien avec Elisabeth Bautier 1 paru dans Contrepied n°11 – Maternelle : quelle EPS ? -paru en mai 2002

  1. Elisabeth Bautier co-anime l’association « Défendre et transformer l’école » et pilote actuellement avec Jean-Yves Rochex une recherche sur l’école maternelle dans le cadre de l’équipe ESCOL (Université de Paris 8)[]