Le ballon prisonnier au cycle 3 : comment aller un peu plus loin en matière d’apprentissages

Le ballon prisonnier pourtant « best-seller » des jeux collectifs à l’école primaire n’est pas toujours exploité aussi loin qu’il pourrait l’être. Comment ne pas passer à côté d’apprentissages forts intéressants de type jeux et sports collectifs?


L’évolution règlementaire proposé ici, semble-t-il peu connue, permet pourtant de développer : collaboration avec autrui, opposition régulée par un règlement à respecter, enjeu affectif significatif, habiletés imposées par des stratégies complexes, joueurs avec des rôles différenciés (joueurs sur le terrain/prisonnier, porteur de balle/non porteur de balle, …).

Le jeu classique

Nous partons du jeu classique :

2 équipes de 6 ou 7 joueurs, sur deux terrains séparés (de 10m x 10m environ sans les « prisons ») :

But du jeu : tenter de faire prisonnier tous les joueurs de l’équipe adverse, avec un ballon joué à la main (balle en mousse dense de préférence).

Règles essentielles :

  • Terrains strictement séparés
  • Un joueur visé qui bloque le ballon n’est pas pris
  • Un joueur touché, qui ne bloque pas la balle, devient prisonnier
  • Les passes dans l’équipe sont possibles mais pas obligatoires.

Critère de réussite : On a gagné quand on a plus de joueurs sur son terrain que l’équipe adverse à la fin de la partie ou que tous les adversaires sont prisonniers.

La proposition que nous faisons consiste à modifier de manière importante les règles de délivrance et d’organisation de l’espace des prisonniers.

Dans le jeu classique, les joueurs pris se placent derrière le terrain adverse (zones colorées) et peuvent se libérer en touchant un adversaire quelconque. C’est celui ou celle qui attrape la balle qui peut se délivrer. En conséquence, les plus faibles peuvent passer la partie entière en prison. Ils n’apprennent rien et vivent une frustration, voire une humiliation.

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Notre proposition d’évolution

  • Les prisonniers se répartissent autour du terrain adverse (cf schéma ci-dessous) à mesure qu’ils sont touchés ;
  • Lorsqu’un prisonnier touche un adversaire, il ne se libère pas personnellement mais libère le premier d’entre eux qui a été pris.

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Intérêts :

  • La nécessité d’apprendre à se repérer dans un espace de jeu plus complexe : dès qu’il y a des prisonniers, on peut se trouver avec des adversaires n’importe où autour de son terrain voire sur ses 4 côtés.
  • Chaque joueur a donc sa chance d’être libéré par un partenaire, ce qui évite les éternels prisonniers qui se désintéressent du jeu.
  • La nécessité de coordination des prisonniers entre eux puisqu’ils peuvent faire « tourner » le ballon autour du terrain adverse en faisant des passes pour toucher un adversaire. La règle impose donc moins un jeu individualiste où on se délivre soi-même.
  • Un renforcement du sentiment d’équipe puisque la délivrance d’un prisonnier ne délivre pas le tireur mais un des joueurs de l’équipe. Il peut donc y avoir des stratégies de délivrance, de préservation d’un nombre de prisonniers optimal, …

Ce jeu doit être pratiqué un grand nombre de séances car sa gestion est assez complexe même pour des enfants de cycle 3.

Ce que les élèves vont devoir apprendre

Sur le plan tactique, comprendre que pour gagner, il faut :

  • Toujours prendre de vitesse l’adversaire et le toucher sans qu’il réussisse à bloquer (en visant fort, avec précision, en le surprenant) :
    • en faisant passer rapidement le ballon par-dessus le camp adverse de façon à déstabiliser les adversaires ;
    • en faisant circuler la balle rapidement entre prisonniers ;
    • en ayant un nombre adapté de prisonniers pour pouvoir éliminer les adversaires.
      Individuellement avec la balle
  • Agir dès que possible pour prendre le ballon dès qu’il a touché terre on en le bloquant
  • Tirer plus fort et concilier cela avec la précision.
  • Analyser rapidement la situation pour savoir
    • S’il faut esquiver ou aller au-devant du ballon pour tenter de l’attraper
    • S’il faut passer à un partenaire ou tirer.

Collectivement :
– faire un plan d’action « à court terme » : qui doit-on tenter d’éliminer en premier ? comment se répartit-on dans l’espace ? combien de prisonniers nous sont utiles pour gagner ? etc.

– prendre une décision en fonction de la lecture du jeu : notre équipe est-elle en situation dominante ou dominée ?

– savoir analyser rapidement la situation pour maintenir un équilibre entre les prisonniers et les partenaires.

Quels sont les axes de progrès ?

Passer d’un jeu en réaction à la situation un jeu réfléchi, individuellement et collectivement

Comportements de départ 

  • des joueurs « libres » :
    • J’ai la balle : je tire systématiquement pour essayer de faire un prisonnier
    • mon équipe a la balle : je suis inactif (je me fais ‘oublier’)
    • mon équipe n’a pas la balle : je subis le tir de l’adversaire, j’esquive systématiquement
  • des prisonniers :
    • j’ai la balle : j’essaie systématiquement de me délivrer
    • je n ‘ai pas la balle : je suis inactif ‘en attente’

Comportements élaborés :

  • des joueurs « libres » :
    • J’ai la balle : je prends des risques pour bloquer et prendre l’adversaire de vitesse, j’accepte de ne pas tirer pour faire un choix plus efficace ;
    • Mon équipe a la balle : je me déplace pour offrir une solution à un partenaire :
    • Mon équipe n’a pas la balle : je prends des risques pour bloquer et prendre l’adversaire de vitesse.
  • des prisonniers :
    • J’ai la balle : J’accepte de ne pas tirer pour faire un choix plus efficace (passe à un partenaire libre ou à un prisonnier mieux placé) ;
    • Je n‘ai pas la balle : je me déplace pour offrir une meilleure solution à un partenaire.

La démarche sur une séquence ou un cycle :

Première étape :

  • Faire des équipes hétérogènes et établir les règles. Le premier jeu peut être le jeu classique (éventuellement pratiqué au cycle 2). Il faut plusieurs séances pour intégrer toutes les règles (notamment, quand est-on prisonnier ou pas : toucher terre avant, blocage). Ensuite, le jeu avec les prisonniers tout autour du terrain peut être construit avec les enfants pour qu’ils comprennent le sens de cette règle (ne pas rester trop longtemps prisonnier, agir pour le collectif, …)
  • Organiser strictement rentrée et sortie des prisonniers sur le terrain (par exemple en les faisant se répartir autour du terrain adverse dans l’ordre où ils ont été pris, mais en faisant attention que ça ne limite pas leurs déplacements) en ménageant une « porte » de sortie et une porte d’entrée sur le bord du terrain (plots rouges sur le schéma ci-dessus).
  • Ce jeu ne nécessite pas d’arbitre. L’auto-arbitrage est un apprentissage important, même s’il est parfois conflictuel. L’enseignant.e est le la garante de la règle qui doit être précise et bien comprise. L’auto-arbitrage facilite également la multiplication des terrains où le jeu se pratique en autonomie et permet ainsi une plus grande quantité de pratique et d’être plus efficace en matière d’apprentissage.
    Les élèves doivent comprendre qu’un règlement n’est pas immuable et que chaque règle a son intérêt. Une affiche peut être nécessaire pour garder la « mémoire » des règles.

– Exemples de règles qui peuvent évoluer :

– taille du terrain / nombre de joueurs (ne pas dépasser 7 à 8 élèves, cela fait trop d’informations pour les élèves débutants ou timorés) ;

– agrandir la zone prison ;

– interdiction de courir avec la balle dans l’espace de jeu (donc passes pour se rapprocher).

Deuxième étape

  • Elle consiste à vraiment exploiter le jeu par un travail sur les stratégies efficaces sur des collaborations, organisations, planifications collectives.
  • Les élèves peuvent commencer à être impliqués dans des tâches d’observation et avec l’aide de l’enseignante (par exemple, commenter le travail d’un joueur ou d’une équipe et essayer de repérer les actions positives). Ce travail peut aussi donner lieu à des affiches (nos stratégies efficaces), il est intéressant lors des phases de verbalisation en groupe classe
  • La réglementation peut encore évoluer à la marge si nécessaire.

Finalisation

Un ou des tournois internes à la classe (si l’on dispose de plusieurs terrains) ou avec une ou d’autres classes. Les CPC et/ou l’USEP peuvent apporter une aide logistique intéressante pour cela.