Temps de lecture : 4 mn.

Sébastien Molénat balaye, pour nous, de manière non exhaustive, des travaux d’analyse des pratiques sociales autour de la musculation. La recherche dans ce domaine est foisonnante et on ne peut ici mentionner toutes les données produites. Les références choisies sont une invitation à prolonger et élargir ces lectures.


On peut identifier deux grandes sources de données. D’une part, des travaux universitaires en sciences humaines qui étudient les acteurs sociaux (pratiquants, enseignants…) de cette activité sportive. D’autres part, des recherches économiques qui analysent le marché de la musculation selon l’offre et la demande.

La thèse universitaire d’Olivier Bessy, soutenue en 1990 a ouvert un terrain d’enquête sociologique sur ces nouveaux espaces pour le corps, les salles de « mise en forme ». Sur ce phénomène social ce chercheur établissait le constat suivant : « le souci de s’accomplir par et à travers son corps, de façon indépendante ou assistée, en agissant à la fois sur sa fonctionnalité, sur son apparence et en s’accordant des parenthèses hédonistes, ne concerne plus une minorité de personnes mais apparait comme un idéal social de masse. Il reste que des stratégies différentes associées au sexe, à l’âge et à l’origine sociale des clients, sont poursuivies et segmentent le marché parisien de la “mise en forme” ».
Des travaux sont venus depuis compléter de manière féconde cette analyse pionnière ;
ils se sont attachés à analyser des groupes de pratiquants, en privilégiant l’enquête ethnographique pour saisir « sur le vif » les sujets agissants.

Les travaux récents d’Akim Oualhaci (Presse universitaires de Rennes, 2017) pointent la musculation comme sport viril pour se faire respecter dans les quartiers populaires.
On peut aussi citer l’étude de Solini et Basson (2011) sur l’activité Musculation en Établissement pénitentiaire pour mineur, montrant que cette activité se prête à l’expression du sur-codage sexué et permet d’afficher le rapport étroit entre virilité et délinquance (Mauger 2006).
Eric Perera utilise lui l’observation participante.En s’initiant au body-building il tente de comprendre de « l’intérieur » cette pratique singulière. (Emprise de poids. L’Harmattan, 2017).

Plus à distance, Matthieu Delalandre (Revue d’Anthropologie des connaissances, 2014/1) s’intéresse au forum internet comme lieu de mise à l’épreuve des connaissances scientifiques par les pratiquants de musculation. Il se focalise sur les controverses. Les réseaux sociaux très nombreux autour de cette activité lui donnent une riche matière.

Autre sujet de recherche : « le professeur de fitness au travail  » et son engagement physique et psychique, analysé par Lilian Pichot et Élodie Wipf (In : Communications, 89, 2011).

Bien des sujets d’études demeurent, et les travaux en cours, tel ceux d’Aymane Dahane sur la pratique du Street Workout (musculation de rue) vont affiner encore davantage nos connaissances.

Les salles de musculation constituent un marché économique étudié de près.
Désormais, on parle de salle de remise en forme, «lieu mettant à disposition du public des équipements, un environnement et des prestations d’encadrement visant à l’amélioration de la condition physique, de la détente et du bien-être de ses clients.»(Ministère des Sports ).

Ce Marché de la remise en forme est en pleine croissance. Selon l’INSEE, la hausse du nombre de création de salles ne cesse de progresser. Ce secteur emploierait autour de 20 000 salariés et le chiffre d’affaires a désormais dépassé les 2,5 milliards d’euros.
D’après l’Eurobaromètre 2014, les salles de remise en forme sont citées par 15 % des pratiquants de l’Union Européenne comme lieu d’exercice physique et sportif (contre 11% en 2010). En France, on compte 5,96 millions d’adhérents soit 8,9 % de la population, 4,4 % d’augmentation entre 2017 et 2018 et 4 370 clubs de fitness (Étude Europe Active 2018).

Pour séduire une clientèle beaucoup plus large (hommes, femmes et seniors) aux aspirations très diverses, plusieurs études dégagent les grandes tendances de l’offre :

Le Low Cost, avec des tarifs réduits cherche à attirer de nouveaux adeptes mais également à réduire la culpabilisation en cas d’assiduité aléatoire. Les abonnés absents font en partie le succès de ce modèle !! En effet, 2/3 des abonnés des salles ne pratiquent plus au bout de 6 mois (enquête Que Choisir, 2017), la motivation ici s’érode vite !
Le Wellness vise les pratiquants qui souhaitent autre chose qu’une « simple » salle avec des appareils de cardio et de musculation, et donc de nombreux services annexes de bien-être sont proposés : diététicien, sauna, piscine, etc.

L’innovation, moteur obligatoire ici de la consommation, est obtenue grâce à la diversité et au renouvellement des activités proposées : bodybalance, bodyscult, pilate, kick boxing, cross fit… Les nouvelles technologies viennent en renfort avec les réseaux sociaux comme supplément d’âme et aspect communautaire, mais aussi avec des applications et vidéos pour s’entraîner… seul. Bref, une immense entreprise mercantile s’appuyant sur des besoins réels.

Article paru dans le Contrepied – n°26 Musculation