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L’enseignant qui accueille dans sa classe un(des) élève(s) en situation de handicap n’est pas toujours en mesure de faire face aux problèmes qui peuvent alors surgir. Face à eux, il est important de ne pas rester seul et donc précieux de pouvoir se tourner vers un dispositif institutionnel susceptible de fournir des aides matérielles, didactiques et pédagogiques. De ce point de vue, le dispositif existant dans le département du Rhône est exemplaire. Paul Bouvard, CPD EPS, en présente les principaux aspects.

Qu’est-ce que le GTHEPS ?

C’est le Groupe de Travail sur les situations de Handicap en EPS, dont les débuts datent de 2002, sous l’impulsion du président du comité handisport de l’époque, Charles Bouchisse. C’est Jean-Paul Goffoz qui a piloté le dispositif jusqu’en 2005. Ensuite, j’ai pris le relais.

Il fait l’objet d’une convention, dont la signature a été renouvelée en décembre 2014, entre la DSDEN (ex-IA – Inspection Académique —), le comité du Rhône handisport et l’USEP (Union Sportive des Écoles Primaires).

Les aides concernent quels types de déficiences et de troubles ?

Nous accompagnons tous les élèves. La majorité de nos interventions concernent les élèves porteurs de troubles du spectre de l’autisme (TSA). Ensuite viennent les élèves ayant des troubles du comportement, puis les déficiences motrices, et à un degré moindre les déficiences intellectuelles et sensorielles.

Vous intervenez au niveau de l’enseignement primaire et secondaire ?

Nos interventions portent essentiellement sur le premier degré. Depuis deux ans, nous n’avons pas de demande dans le second degré, même si un avenant à l’ancienne convention le permettrait. Les enseignants d’EPS sont en capacité de répondre à beaucoup de situations relevant de la différenciation ordinaire ou de l’adaptation des contenus. Pour les situations plus complexes, je ne suis pas sûr qu’ils aient tous connaissance de l’existence du dispositif.

Quels sont les moyens mis à disposition des enseignants

Le dispositif repose sur une enquête annuelle qui démarre au mois de juin. Elle est relayée dans chaque école par les CPC-EPS (Conseiller Pédagogique de Circonscription) afin d’identifier les besoins pour la rentrée scolaire. A la rentrée, le GTHEPS se réunit pour évaluer les besoins et apporter les réponses aux demandes des enseignants. Ce peut être sous forme de visite pour des conseils à l’enseignant et à l’AVS (Auxiliaire de vie scolaire) faite par le CPC accompagné ou non par le CPD (Conseiller Pédagogique Départemental). Ce peut être aussi un accompagnement par un des éducateurs sportifs spécialisés pendant les premières séances d’un module (ou d’un cycle dans le second degré). Dans les cas les plus lourds, les intervenants accompagnent tout au long du module.

Quel matériel peut être prêté ?

Nous avons des fauteuils sport, des fauteuils standard, des joëlettes (fauteuils mono-roue tout terrain, pour des personnes très dépendantes, nécessitant deux accompagnateurs), des fauteuils hippocampe (fauteuils roulant de plage, tout terrain), et deux biskis. Nous disposons aussi d’un ensemble de kits permettant aux enseignants de proposer une activité à une classe entière : kits torball, sarbacane et boccia.

Qui a financé l’achat du matériel  et dans quelles conditions peut-il être prêté ?

C’est l’IA du Rhône qui a tout financé à une époque plus faste qu’aujourd’hui…

La demande est faite par les CPC-EPS auprès du responsable du pôle matériel (Fred Meynaud, un directeur d’école spécialisé très impliqué dans le dispositif). Les écoles se chargent, souvent par l’intermédiaire des mairies, du départ et du retour du matériel. La durée du prêt est fonction des besoins. Souvent un fauteuil sport reste à l’année dans une école.

En quoi consiste l’accompagnement pédagogique et didactique ? 

L’accompagnement a plusieurs aspects :

  • L’aide à la programmation des activités. L’acquisition des compétences attendues des programmes peut se faire en programmant des activités qui vont permettre à l’élève ou aux élèves en situation de handicap de pouvoir participer… ou non. Par exemple, programmer escalade avec un élève paraplégique pour traiter la compétence ‘adapter ses déplacements à différents types d’environnements’ va tout simplement l’empêcher de participer. Choisir les activités d’orientation lui aurait laissé plus de chances….
  • L’aide à l’adaptation des situations. Les conseils portent sur la mise en jeu des variables didactiques ou sur des choix pédagogiques qui permettent de faciliter la mise en activité et les apprentissages de l’élève en situation de handicap, et le plus souvent de tous les élèves ! En ce qui concerne l’AVS, on l’aide à anticiper l’installation de l’élève, les questions d’accès ou de gestion de crise dans un gymnase par exemple.
  • Les éducateurs spécialisés entrent en jeu quand la compétence ordinaire de l’enseignant et de l’AVS ne suffit pas.

Qui assure cet accompagnement ? Pour quoi faire ?

Deux éducateurs sont mis à disposition par le comité du Rhône Handisport. Ils sont titulaires d’une licence universitaire STAPS-APA (Sciences et techniques des activités physiques et sportives–Activités physiques adaptées). La troisième est salariée de l’IA ; elle est sur un poste d’AVS à plein temps, en CDI (Contrat à durée indéterminée). Titulaire d’un BE (Brevet d’état) handisport, elle a par ailleurs une grande compétence auprès des élèves autistes et présentant des troubles du comportement.

L’éducateur est d’abord un intervenant. Son objectif est de rendre le plus vite possible la main à l’enseignant et à l’AVS par le conseil en situation. Il propose des adaptations, accompagne l’élève sur le terrain pendant le temps de la séance.

Est-ce que, à côté de ces aides, vous menez des actions de formation, d’information, ou autres ?

Nous participons à la formation des AVSi (Auxiliaire de vie Scolaire affecté au suivi Individuel d’un élève) Tous les AVSi du département ont une demi-journée de formation consacrée à l’inclusion en EPS.

Quant aux actions d’information, elles se traduisent par la diffusion d’une plaquette explicative à l’ensemble des directeurs d’école, par la participation à des réunions de directeurs d’école et par l’organisation de réunions d’information pour les circonscriptions qui en font la demande.

Par ailleurs, nous travaillons à l’élaboration de ressources de formation, nous conduisons une action, publiée au plan de formation de formateurs, ouverte aux CPC et CPD. L’an dernier nous avons mené des expérimentations en ITEP (Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) autour de l’enseignement de la compétence « s’opposer individuellement ou collectivement » en jeux traditionnels, en axant notre travail sur l’apprentissage progressif de l’opposition, la nécessité de « faire équipe » et la possibilité de « continuer à jouer ensemble »

Quel bilan peut-on faire de ce dispositif d’aide ?

Les demandes se sont beaucoup développées, les effets de la loi de 2005 se faisant sentir à plein. Le dispositif permet de scolariser en EPS des élèves pour lesquels ça ne serait pas possible, malgré l’AVS et dans l’immense majorité des cas l’investissement sans faille des enseignants. La plupart des accompagnements se font pour les activités à taux d’encadrement renforcé (piscine, escalade etc.). Sauf dans les cas très lourds, les enseignants comprennent vite la logique des adaptations, tout en gardant en tête les objectifs d’apprentissage des compétences.

Quel bilan peut-on faire des aides que vous apportez ?

On peut déjà souligner que davantage d’élèves en situation de handicap participent aux cours. On peut même dire que la non participation est l’exception, là où les CPC-EPS et les IEN (Inspecteurs de l’Education Nationale) sont très actifs, dans environ 20 circonscriptions sur les 29 du département du Rhône.

Ensuite, on a des retours très positifs concernant notre action, et nous avons maintenant du mal à répondre à toutes les demandes d’accompagnement. Un facteur déstabilisant du dispositif est l’effet de la mise en place de la réforme des rythmes scolaire sur les créneaux EPS de l’après-midi. Leur diminution enlève des possibilités d’intervention.

Des enseignants sont-ils réticents à faire appel à ce dispositif, et plus précisément à coopérer sur le terrain dans la conduite des séances ?

C’est une affaire de posture de l’enseignant, et d’accompagnement par le CPC-EPS sur le terrain. Cependant les lignes ont beaucoup bougé depuis 2005. Dans l’immense majorité des cas les enseignants perçoivent la situation de handicap comme une situation (presque) ordinaire, nécessitant la prise en compte des besoins de l’élève pour lui amener la bonne réponse pédagogique et didactique. Le travail du CPC-EPS est essentiel pour faire évoluer la posture des collègues et faire passer le message.

Entretien réalisé par Claude Collignon
Cet article est un supplément électronique au Contrepied HS N°12 – EPS, Sport et handicap – avril 2015