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La pensée de J.Rouyer sur l’EPS, ancien secrétaire général du SNEP-FSU et ancien président du centre EPS et société a toujours été pertinente, que l’on soit d’accord avec lui ou pas. Nous reprenons ici un de ces textes qui restent d’une actualité brulante. Il l’a écrit en 2005 à propos d’un appel « la santé préoccupe les enseignants d’EPS », que le SNEP-FSU lançait à l’occasion de son congrès.
A l’heure où l’Institution remet régulièrement cet objectif au-devant de la scène, il est bon de se replonger avec lui sur les « évidences » de la discipline dans une perspective revendicative.


(…) « La santé des jeunes préoccupe les enseignants d’EPS »… parce qu’on pouvait en douter ? Cela dit, cette affirmation de « justification » a peut-être une fonction pédagogique salutaire à usage interne pour provoquer un rééquilibrage des priorités éducatives mais un appel public doit dire autre chose. (…)
Les professeurs d’EPS sont impliqués au moins de deux manières, à partir de la discipline et de leur métier mais aussi dans ce qui devrait être un projet d’éducation à la santé à l’échelle de l’établissement et commun à tous les partenaires de la communauté (voire un projet de ville). Il faudrait traiter distinctement ces deux implications

Plus d’EPS, un mieux pour la santé des jeunes !
Je partage l’idée qu’il faut dépasser la conception étroitement biologique de la santé qui renverrait à une éducation physique d’entretien hygiénique ou corporelle, auxiliaire du « médical ». C’est justement une conception culturelle de notre discipline qui peut s’adresser au sujet global et viser le développement de toutes les capacités mises en jeu dans chacune des APSA. Le « physique » est intégré mais non renié !
Cela dit, dans l’activité d’apprentissage d’une APSA particulière, l’enseignant peut donner une coloration plus forte à telle ou telle priorité éducative, ce peut être la citoyenneté, ce peut être la santé, et plus particulièrement la maîtrise des paramètres bio-fonctionnels personnels (cette idée du croisement d’objectifs éducatifs, ceci sans dénaturer le sens de l’activité avait été avancé lors du débat sur les programmes collèges). Un travail didactique et pédagogique spécifique est sans doute nécessaire, de même que des actions de formation continue dans ce but… Pourquoi pas des collègues « personnes ressources–santé » comme d’autres le sont en danse ?
Par ailleurs le patrimoine des activités physiques contient des activités plus spécialement tournées sur le développement du sujet lui-même (ou perçues comme telles). Les choix pédagogiques peuvent en tenir compte sans exclusivité et sans créer un « groupe santé ».

Autre remarque liée au contexte actuel (dopages, accidents) : il faudrait affirmer fortement et sans complexe que les professeurs d’EPS ont l’ambition d’apprendre aux jeunes une pratique du sport non seulement compatible avec la santé mais qui serve la santé (idem pour la danse, mais il n’y a pas le même doute). Ce serait une bonne façon de faire la différence et c’est sans doute cela qu’il faut expliquer clairement.
C’est pourquoi, si la notion de « savoir s’entraîner » renvoie à une pratique du sport qui garantit la compatibilité entre progrès des capacités, joie de la performance et intégrité physique et psychologique, c’est une bonne chose mais attention à une lecture simpliste et étroite de la formule. Au fond, c’est apprendre à vivre le sport pour le développement de soi qui est l’enjeu.

Dans le même esprit, quelle place pour des clubs santé dans l’école ou plutôt pour des clubs sport-santé ou danse-santé comme sections des associations sportives ?
Donc, plus d’EPS « moderne », plus de sport scolaire, c’est bon pour la santé ! Donc, c’est en étant pleinement elle-même (sans excès de justification théoriques) que l’EPS contribue à la santé, donc c’est une raison ACTUELLE, SENSIBLE d’en exiger plus et dans de meilleures conditions. Qui rassembler sur cette exigence ? (…)
Où est passée l’utopie historique des 5 heures ? Il faut en tout cas pour chaque niveau du service public d’enseignement (et avec sans doute quelques priorités sociales), qualifier l’état des choses et avancer un objectif (…) On peut lancer l’idée « une heure de plus à tous les niveaux au titre de la SANTE » ! Modeste et très coûteux !

Les profs d’EPS, partie prenante d’un projet global d‘éducation à la santé.
Ce projet est à construire avec les « autres » et … les jeunes. C’est aussi le moyen d’éviter les confusions de compétences et de responsabilités mais à l’inverse de valoriser les complémentarités (infirmières, médecins, intendant, cuisinier conseillers d’éducation, prof de SVT, de français, etc. et peut-être aussi avec des partenaires extérieurs : responsables de clubs, de maisons de jeunes, d’élus..). Des temps de concertations légitimes peuvent alors être revendiqués. Peut-on avancer en même temps dans les deux perspectives mais qui peuvent au fond se renforcer mutuellement. En bref une EPS réévaluée, revalorisée au bénéfice de la Santé, composante d’un projet global de prévention et d’éducation à la santé.