Cirque : Une invitation à centrer les élèves sur un seul projet, un seul objet !

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Avec les « arts  du cirque », les programmes EPS font essentiellement référence au cirque contemporain: diversités de formes et de techniques, métissage des arts, spectacle mono disciplinaire, diversité des principes d’écriture, détournement des objets, pour des spectacles qui sortent souvent du chapiteau, sont ses caractéristiques essentielles. Que retenir alors pour l’EPS ? Laurence Prudhomme Poncet, enseignante à Lyon, préconise une démarche centrée sur l’apprendre à créer


L’appellation « arts du cirque » tend à supplanter depuis les années 1990 le mot cirque utilisé jusque-là. Elle souligne par l’emploi du pluriel la variété de ses expressions et lui permet de gagner en légitimité grâce à l’accolement du terme art-s. Elle est employée tantôt pour désigner l’ensemble des expériences artistiques ou propositions scéniques à base de cirque, tantôt pour évoquer le cirque de création par opposition au cirque de tradition. Dans son acception la plus courante, elle désigne l’ensemble des grandes familles de disciplines de cirque (acrobaties, aériens, clown, dressage, manipulation d’objets, inclassables). Cette notion de pluralité rappelle que le cirque est dès son apparition un art composite. Il recouvre aujourd’hui une diversité de formes et de techniques. De plus, le cirque, comme les autres arts, n’échappe pas au métissage. Il se nourrit et imprègne en retour, le théâtre, la danse, les arts numériques… Toutefois, au collège, au lycée, ce mélange ne peut se réaliser que dans le cadre d’un projet interdisciplinaire.

Le spectacle de cirque mono disciplinaire devient la forme dominante et non plus l’exception. Une des principales caractéristiques est l’émancipation de chacun des arts du cirque. Progressivement de plus en plus de compagnies se spécialisent en effet dans une discipline développée de manière autonome : l’art équestre pour Zingaro (1984), les arts clownesques pour les quatre artistes des Nouveaux Nez (1990), le fil pour Les Colporteurs (1994)… C’est le cas également des Arts Sauts (1993) fondés par onze trapézistes, de Jérôme Thomas (1993), grand spécialiste de jonglage, ou de Mathurin Bolze qui conçoit son spectacle « Fenêtres » entièrement autour du trampoline (2001).
En conséquence, la référence au cirque contemporain devrait nous inciter à faire des groupes d’élèves qui se concentrent sur un seul projet ; réunir un groupe d’élèves autour d’un même objet ou agrès prend tout son sens. D’autant qu’une recherche collective de possibles autour d’un objet commun permet de limiter le risque d’un seul enseignement de techniques.

En parallèle, on constate une diminution des collectifs d’artistes au profit de solos ou duos. Cette évolution tient en grande partie à des raisons financières. Bien que certains spectacles comme « Rain Bow » (2006) réunissent sur le plateau 11 jongleurs autour de la manipulation d’objets ou « Le Fil sous la neige » (2007) 7 fildeféristes, ce sont en effet les spectacles individuels et duos qui prédominent. En EPS, toutes les formes de groupement sont envisageables. Toutefois compte tenu du grand nombre d’élèves par classe, solos et duos ne pourront qu’être exceptionnelles. Par contre, un « coup de projecteur » sur un élève à l’intérieur d’un collectif semble une voie prometteuse (Cf « La première mondiale »).

Une caractéristique fondamentale du cirque contemporain est la diversification des principes d’écriture. La dramaturgie ne repose plus sur le crescendo de la prouesse fonctionnant par paliers. La performance ne constitue pas le but et le sens du spectacle. mais les gestes sont des moyens d’expression au service d’un sens, d’un propos artistique. Pour ce faire, les principes de construction, improvisation et composition, sont souvent empruntés à d’autres arts. Cette démarche de création doit trouver toute sa place en EPS. Très souvent encore l’approche du cirque en EPS est envisagée comme un apprentissage de techniques hiérarchisées comme le montre les nombreux articles publiés dans la Revue EPS sur le jonglage. Une démarche davantage centrée sur « l’apprendre à créer » que l’élève met en jeu avec sa singularité, partant de productions individuelles ou collectives, correspond mieux aux enjeux d’une activité artistique.

Ce qui fait aussi l’essence du cirque contemporain c’est sa recherche de transformation, de détournement des objets du quotidien pour jongler, s’équilibrer, jouer, produire du son…
En EPS, l’utilisation d’objets de récupération permettra davantage de nourrir l’imaginaire des élèves tout en sensibilisant les élèves au recyclage. N’hésitons pas à utiliser bancs, bambous, barrières métalliques, bâtons, chaises, échelles, escabeaux, espaliers, tables pour travailler les notions d’équilibre et de déséquilibre et à manipuler bouteilles en plastique, cartons, chapeaux, journaux, parapluies…

Enfin, au cirque contemporain, la piste et le chapiteau, lieux emblématiques du cirque, sont délaissés pour occuper les scènes de théâtre, la rue, des usines désaffectées… En EPS, on peut éventuellement envisager d’investir différents lieux les couloirs, la cour, des escaliers, un hall d’entrée… Mais ce qui paraît important c’est surtout que chaque groupe ou troupe s’approprie assez tôt son espace particulier de travail qui deviendra le lieu de représentation à la fin du cycle. Dans un gymnase, on peut aussi diversifier les espaces en proposant différents fonds de scène de part et d’autre du ou des rideaux de séparation, un autre espace autour des espaliers, contre un mur, autour d’une porte, un espace circulaire au centre… Plutôt que d’organiser un espace scénique unique de présentation ce sont alors les spectateurs qui se déplacent comme dans un festival de spectacles de rue.

Cet article de Laurence Prudhomme Poncet est paru dans Contrepied – C’est quoi ce cirque ? – Hors-série n°3 – mai 2012