Apprendre à naviguer à l’aide d’une carte pour réussir en CO et lutter contre les stéréotypes. Quelle performance ?

Temps de lecture : 5 mn.

Intervention orale de Martin MOTTET et Julien SALLIOT (UFRSTAPS de NANTES) aux Assises pédagogiques du 5-6 février 2015.

Définition de la CO et enjeux de formation

La CO est définie comme une course en milieu incertain dans laquelle l’orienteur doit trouver à l’aide d’une carte et éventuellement d’une boussole, des éléments significatifs indiqués sur la carte (postes) et matérialisés sur le terrain (balises) par l’itinéraire de son choix.
L’enjeu éducatif, en programmant la CO en EPS, est selon nous de faire vivre des expériences signifiantes d’orienteur : donner à l’élève la possibilité d’être à l’initiative d’une activité de navigation en temps limité à l’aide d’un document de référence en sachant gérer ses ressources dans un environnement incertain, pour réussir au mieux face aux contraintes de la situation vécue.

La notion d’incertitude de l’environnement est fondamentale (et à construire par l’enseignant au‐delà de l’aspect connu/inconnu du terrain et du renouvellement de la position des postes à chaque séance) afin de solliciter inéluctablement chez l’élève une activité de mise en correspondance entre la carte et l’environnement l’invitant à se déplacer rapidement mais avec suffisamment de précision pour ne pas se perdre et trouver les balises du parcours.
Pour apprendre à l’élève à gérer ce dilemme, différentes tâches d’apprentissage seront organisées dont certaines seront vécues plutôt sous une dominante technique (haute exigence au niveau de l’orientation donc diminution de la contrainte temporelle) et d’autres plutôt sous une dominante énergétique (diminution de la technicité et augmentation des distances/dénivelés et/ou de la contrainte temporelle et/ou de la confrontation).
L’enseignant doit par contre garder à l’esprit la nécessité de recontextualiser son enseignement afin que l’élève vive et réalise une performance de navigation qui articule au plus juste vitesse et précision.

Quelle démarche garantissant la réussite du plus grand nombre ?

Tout d’abord, il faut être conscient que si des différences individuelles peuvent expliquer la capacité des individus à s’orienter (le fameux sens de l’orientation !), la plupart des études scientifiques ont montré que ces différences ont des effets beaucoup moins marquées lorsqu’il s’agit de naviguer à partir d’une carte (e.g., Hund & Nazarczuk, 2009). Il existe une marge importante de progrès pour tous les élèves, quels que soient leurs aptitudes spatiales ou leur sexe après un cycle d’enseignement adéquat. Ce principe d’éducabilité en CO doit être central pour l’enseignant mais aussi pour l’élève de manière à éviter les phénomènes de résignation apprise de type « je suis nul en orientation / de toute façon je n’ai pas le sens de l’orientation !». C’est en partie pour cela que nous choisissons une démarche d’enseignement centrée sur la précision de l’orientation. Enseigner la CO demande un travail de conception avant la leçon important. Cette phase est déterminante dans l’objectif de faire réussir le plus grand nombre. Une sérieuse réflexion doit être menée sur la façon d’articuler l’aspect sécuritaire et les contenus visés dans l’organisation pédagogique afin de donner les opportunités à chacun d’apprendre et de réussir en CO (cf. l’article « Seul mais jamais isolé ! » du numéro 355 de la revue EP.S).
Sur le plan didactique, quelques principes de base (présentés de manière non hiérarchisée et non exhaustive) peuvent être énoncés pour viser la réussite de tous :
– faire des choix ciblés sur ce que l’on veut faire apprendre aux élèves : ne pas enseigner toute la CO en un cycle (pour un 1er cycle en forêt, travailler la relation carte/terrain sans passer par les choix d’itinéraire nous semble un choix d’enseignement suffisant), ne pas multiplier les différentes types de tâches d’apprentissage mais penser la progression plutôt au niveau du traçage.
valoriser les temps de pratique en mettant les élèves rapidement en activité : différents parcours parallèles, pas d’explications trop longues, routines d’organisation et de situations à créer.
– utiliser les temps de repos pour l’analyse de son action : correction autonome, dessiner sa trace après la réalisation d’un parcours, verbaliser son activité de navigation… ou la réalisation d’exercices de simulation, aussi utilisables pour une séance en gymnase en cas de pluie.
– donner à tous les opportunités d’apprendre : pas de petits groupes avec une seule carte !
– organiser les conditions d’une pratique non hasardeuse (navigation intentionnelle plutôt que chasse au trésor) pour les élèves (balises non cachées, placées au niveau de point précis, carte de qualité et mise à jour…) et non basée sur la connaissance des lieux/postes des élèves (maintenir de l’incertitude en milieu connu…).
– réfléchir à la connotation masculine/féminine des tâches : compétitive/coopérative, milieu forestier/milieu urbain entre autres (Gillonnier, 2009).
– privilégier un mode d’entrée la relation carte/terrain plutôt qu’une orientation par azimut/distance (imprécise sur le plan de le navigation, qui avantage un mode de fonctionnement masculin et qui témoigne d’une conception trop géométrique de l’espace au détriment de l’aspect interprétatif de la CO)
– transmettre les contenus fondamentaux : POP, le suivi de ligne, la conduite à faire lorsque je ne sais plus me situer sur la carte.
– donner des indicateurs de progrès maîtrisables par les élèves (évaluation formatrice) et rendant compte d’un apprentissage auto‐référencé, par exemple calcul du « coefficient de rendement lecture » (CRL) (Bruneau & Testevuide, 1994) ou des temps d’arrêts avec GPS (Mottet, 2015).

Pour concrétiser ces principes, des démarches d’enseignement pour un 1er et 2ème cycle seront proposées avec des situations d’apprentissages qui seront vécues pendant les deux demi‐journées dans deux lieux différents : une forêt, une zone urbaine découverte.

Si le travail de conception est fondamental, on ne peut concevoir l’enseignement de la CO comme une simple prescription d’une tâche aux effets magiques. Il est nécessaire d’adopter une démarche compréhensive pour recueillir l’expérience réellement vécue par les élèves pour réajuster son enseignement afin que les objectifs initiaux s’accordent avec les tendances spontanées des élèves.
Plusieurs moyens sont disponibles : analyse des temps et du poinçonnage, verbalisation de l’élève orientée par une démarche questionnante de l’enseignant ou analyse géoréférencée à partir de GPS (Rage et al., 2013).

Quelle évaluation terminale ?

La situation d’évaluation est conçue de manière à ce que la compétence visée par l’enseignant lors du cycle permette à l’élève compétent de réaliser une performance. La situation ne doit pas forcément être nouvelle mais suffisamment complexe pour viser l’adaptabilité de l’élève (milieu inconnu si possible, postes au moins renouvelés en lieu connu).
La situation de la course au score a le mérite d’être simple à organiser mais elle comporte plusieurs inconvénients sur le plan didactique (ne cible pas la compétence visée, postes inéquitables en fonction du sens de l’attaque, traçage approximatif au niveau de la difficulté technique…).
Nous lui préférons une situation avec un sens de rotation identique pour tous les élèves. La situation peut être la même pour tous ou déclinée en 2/3 niveaux de difficultés techniques pour une même distance de parcours.
Le barème pourra prendre en compte : uniquement le temps (prévoir des pénalités importantes de temps par balises manquantes ou fausses) ; le temps et les balises justes rapportées ; le temps, les balises justes rapportées, et le CRL, etc. Le barème au niveau du temps entre les élèves des deux sexes est différent de 10 à 25% (plus le parcours valorisera la course, plus l’écart de barème sera grand).