Agir pour des Événements Sportifs Internationaux (ESI) démocratiques, solidaires, écologiques et dé-marchandisés

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Depuis longtemps, le SNEP-FSU défend l’idée que l’EPS, le sport scolaire et les pratiques sportives pour toutes et tous doivent contribuer à la construction d’une alternative humaniste et émancipatrice pour et par le sport. C’était là une des exigences portées par « l’Appel de Paris de 2005 », par les « EPSiliades » organisées par le SNEP-FSU et le centre EPS et Société en novembre 2010 ainsi que par le colloque « Sport Demain, Enjeu Citoyen » de 2012. Dans la continuité de ces prises de position, le SNEP-FSU doit poursuivre ses analyses et actions afin que le rôle émancipateur du sport se réalise pleinement.


Pour le SNEP-FSU, la pratique sportive à tous les niveaux est facteur de réalisation humaine et d’inventivité, au-delà de l’activité physique commune. Elle est un lieu de création corporelle, d’expression pour les femmes comme pour les hommes, d’un besoin de se rencontrer, de jouer et de se confronter selon un système de règles et de contraintes que les humains inventent et se donnent. Ces pratiques créent des expressions qui se transforment sans cesse. Le sport de haut niveau est un des lieux de cette élaboration. Le sport est une activité humaine fortement universalisée, au-delà des spécificités des différentes nations et cultures, et peut, en ce sens, être un élément porteur d’amitié entre les peuples.

Les rencontres sportives internationales explosent en nombre. Créées par diverses instances, organisées de plus en plus souvent comme spectacle et marchandisation, massivement suivies pour une partie d’entre elles par les populations, elles renforcent tous les appétits. Ceux des milieux économiques, médiatiques, politiques voire religieux qui veulent en tirer profit. Ces intérêts, notamment marchand et politique, enferment le sport et l’entraînent vers d’autres finalités et des choix très contestables, que ce soit pour leur implantation, leur financement, leur préparation et leur déroulement… Ces choix entrent en conflit avec la dimension écologique, avec les valeurs démocratiques et émancipatrices que l’on veut voir porter à tous les niveaux dans la pratique du sport et dans ses conditions de mise en œuvre. Alors comment garantir que le sens fondamental des ESI, représentatif dans un lieu et un temps d’une expression d’une inventivité sportive aboutie et humaniste, ne soit détourné par ces intérêts ?

Pour que les ESI soient bien une propriété et un bien humain commun, il est indispensable de lutter contre toutes les captations du phénomène sportif actuellement organisées par les différents milieux cités plus haut. Cette action nécessite la recherche de nouveaux alliés pour y parvenir.

Les politiques, le mouvement sportif, les sportif-ve-s, les citoyen-ne-s, les syndicalistes, les journalistes, nul-le ne peut être indifférent-e au contexte de ces événements, aux problèmes qu’ils posent en termes économique, social, écologique, de droits de l’Homme, etc.

Pour le SNEP-FSU, un regard lucide et critique n’entraîne pas le rejet du principe de rencontres sportives internationales.

L’alternative ne se situe pas entre une approbation sans critique et un refus sans nuance.

Le SNEP-FSU doit organiser la contestation et dénoncer les responsabilités gouvernementales qui conduisent à accueillir ces événements dans des conditions inacceptables. Cet accueil se fait au prétexte soit d’intérêts diplomatiques, soit des possibles plus-values que des grandes entreprises sont susceptibles d’accumuler alors même qu’elles créent des dommages bien supérieurs à ces marchés. Dans le même temps, le SNEP-FSU doit s’associer à toutes les actions visant à démocratiser ces grandes organisations internationales en vue d’une meilleure transparence dans leur organisation et les décisions qu’elles prennent pour l’élection des villes hôtes.

Par ailleurs et simultanément, le SNEP-FSU doit critiquer et exiger que les instances nationales et internationales sportives non gouvernementales, pour les ESI qui les concernent, imposent le respect des multiples droits fondamentaux cités ci-dessous. Ajoutons la nécessité de critiquer l’absence de démocratie et de transparence dans nombre de ces instances dont le CIO et la demande de transformations sur ces points.

Soulignons que ces compétitions internationales comme les jeux olympiques et paralympiques, les coupes du monde, etc. sont autant de moments qui permettent de rendre visible, de dénoncer et de combattre toutes les atteintes aux droits fondamentaux de l’Homme, aux droits sociaux et environnementaux dans les pays concernés. Elles permettent aussi de faire apparaître et valoriser des pratiques féminines.

Aujourd’hui, il est temps, avec les organisations syndicales nationales et internationales, de se saisir de ce dossier pour imposer, aux instances sportives internationales (CIO, Fédérations internationales, FIFA, UEFA, ISF et FISU (fédérations scolaires et universitaires internationales,…)) qu’elles exigent des règles compatibles, lorsqu’elles ne le sont pas : notamment, la dignité des travailleur-euse-s qui participent à la création des infrastructures liées à ces événements, la lutte contre la prostitution légalisée ou pas, en lien avec ces événements, à leur compatibilité avec les engagements pour un développement écologique de la planète et à une surveillance étatique et démocratique. Cette surveillance doit permettre de contrôler la pénétration des intérêts privés ou politico-idéologiques et surtout garantir l’engagement plein et entier des sportives et sportifs en dehors de toutes discriminations de quelque ordre qu’elles soient.
Le SNEP-FSU veut relever, pour sa part, ce défi. Avec ambition mais aussi conscience de la difficulté et de l’ampleur de la tâche, il entend contribuer à la définition d’une ligne cohérente pour la transformation des ESI dans toutes leurs dimensions : sociale, culturelle, économique, médiatique, politique, écologique, et purement sportive.
Il faut poser la question primordiale aujourd’hui : quelles transformations proposer pour ces ESI afin d’en faire des «Jeux» démocratisés, festifs, émancipateurs et porteurs de développement pour les populations du pays concerné ?

Le SNEP soumet à la réflexion quelques idées pour la transformation des ESI

La France devrait d’abord être exemplaire en matière d’éducation physique et sportive et de sport scolaire à l’école, comme elle devrait l’être pour le développement du sport populaire avec un service public du sport redynamisé, assorti d’équipements, de personnels qualifiés et de financements nécessaires.

Des réflexions se mènent, notamment dans le milieu sportif, national et international sur les conditions d’organisation et de compétition des événements sportifs internationaux. Le SNEP-FSU doit participer, avec d’autres forces, à cette réflexion et faire pression sur l’Etat et les collectivités territoriales, sur le mouvement sportif, le CNOSF et le CIO, les médias et les milieux économiques. Le SNEP-FSU doit rencontrer à tous les niveaux le mouvement sportif et en particulier national avec ses cadres dirigeants (présidents, DTN,…) pour exprimer ses revendications et écouter leurs points de vues sur ces événements. Il peut rencontrer d’autres mouvements intéressés par ces questions (Amnesty International et autres ONG, association des entraîneur-euse-s nationaux-ales, fédérations d’équipementiers,…).

Le coût financier, dont les fonds publics, de ces ESI qui est souvent démesuré et donc indécent, avec le corollaire de la corruption, doit être revu. Le SNEP-FSU condamne l’actuelle socialisation des coûts et la privation des bénéfices, il propose qu’une partie des bénéfices, par le biais d’une taxe, soient reversée pour la construction d’installations sportives et pour le développement de l’EPS scolaire et du sport pour tous.

L’organisation et le déroulement de l’Euro de football en 2016 en France, les autres événements se déroulant dans notre pays (dont le Tour de France), ou le débat engagé sur l’éventualité d’une candidature du grand Paris pour les JO de 2024, doivent être des occasions pour engager ce travail, cette réflexion, avec des propositions concrètes.

Au niveau écologique, la France, forte des connaissances sur les ressources de la planète, doit peser sur la décision d’implantation des ESI. Le choix de la décision finale, si cela devait se passer sur son sol, doit être guidé entre autres par le débat sur le choix du lieu avec l’impact environnemental, sur l’accès pour toutes et tous, sur l’utilisation des équipements par la suite, sur les transports, sur la vie future des populations, par une consultation des citoyen-ne-s,…, et sans que celui-ci soit influencé par les plus gros financeurs, comme cela a été le cas pour l’attribution de la coupe du monde de football au Qatar.

La France a été très tôt à l’initiative de la lutte contre le dopage. Elle doit poursuivre, accentuer ses efforts et accorder les moyens nécessaires pour l’amplification de la prévention, la multiplication et le ciblage des contrôles. Cette lutte contre le dopage, doit déboucher sur des sanctions et initier des réflexions par exemple sur des diminutions du nombre d’épreuves et de matchs,… La France doit réaffirmer que la laïcité est un des principes de développement du sport et porter entre autres l’égalité entre femme et homme, une représentation médiatique égale entre ceux-ci, l’accès des femmes à toutes les délégations, une valorisation des activités sportives sous représentées, l’ouverture aux sportif-ve-s en situation de handicaps…

Ce combat doit inclure une action nationale et internationale qui impose aux sponsors, aux entreprises, au CIO, aux États, aux médias,… une transparence, une éthique et des obligations : totale liberté de la presse, accès des jeunes, des chômeur-euse-s, aide aux pays pauvres.

Les ESI doivent être un moment incontestable d’égale dignité des pratiques et des athlètes, visant par exemple à mieux intégrer le sport des personnes handicapées. Le SNEP-FSU propose par exemple que les épreuves olympiques et paralympiques se déroulent en même temps sur les mêmes lieux.

Nous proposons de réfléchir à un nouveau rapport entre les gagnant-e-s et les perdant-e-s et à une nouvelle conception de la compétition et de la performance. De ce point de vue, l’expérience des Gays Games en 2018 à Paris est intéressante à examiner. Il faut construire un nouvel « Appel de Paris », fondé sur « la déclaration universelle des droits de l’homme», prenant en compte ces exigences.

Le SNEP-FSU proposera aux enseignant-e-s d’EPS, aux personnels techniques et pédagogiques du ministère des sports et à toutes les forces et institutions concernées de l’accompagner dans cette démarche, de l’enrichir de leurs propositions et de les faire vivre partout ensemble.

D’ores et déjà, des pas en avant sont possibles dans le cadre de l’EPS, du sport scolaire, et plus largement dans celui de l’école, mais aussi dans le cadre d’un service public du sport à redynamiser. Le SNEP s’emploiera à en développer les conditions.